Les paysages d’ocre du Luberon ont quelque chose de fabuleux : des couleurs chaudes et saturées, du jaune au rouge, mises en lumière par un soleil écrasant et un ciel bleu azur. Cette petite expédition était prévu pour le mois de Mars mais malheureusement, le Covid-19 en a décidé autrement et nous sommes restés confinés, comme tout le monde pendant deux longs mois. J’ai décidé de faire quand même cette excursion début juillet mais l’été ne me semble pas la meilleure période pour apprécier cette région : trop de monde et trop chaud ! Cela étant dit, j’avais passé beaucoup de temps à rechercher l’emplacement exact de carrières abandonnées et l’excitation d’aller m’y réfugier après une petite suée a été la plus forte.
Ces carrières sont très peu connues et bien à l’écart des circuits touristiques de Roussillon, du Bruoux ou de Rustrel. Voici donc les magnifiques carrières des B., celles dites « du Cinéma » et quelques paysages du Colorado Provençal pour finir.
Généralités sur les carrières d’ocre
L’ocre est une substance minérale argileuse qui peut prendre plusieurs teintes : elle est colorée en rouge par l’hématite, en jaune par la goethite ou en brune par la limonite. On s’en sert principalement comme pigment de coloration.
Le gisement d’ocre du Vaucluse est le plus important de France, peut-être du monde. Il s’agit ici des gisements qui se situent près de la ville d’Apt, principalement sur les communes de Gargas, Gignac, Roussillon, Rustrel et Villars.
Lorsque les premières carrières s’ouvrent, on peut en dénombrer 17 souterraines et 32 à ciel ouvert en 1900 et elles représentent 14 600 tonnes d’ocres. La production augmente dans les années 1910 et malgré la Première Guerre Mondiale la production va finalement atteindre son apogée avec 40 000 tonnes en 1928, dont 90% sont exportées dans le monde.
L’arrivée des colorants synthétiques va bouleverser cette industrie en plein essor et à partir de 1929, en pleine crise, la production s’effondre brutalement, le marché se resserre et certaines sociétés mettent la clé sous la porte.
Aujourd’hui la SOF est la dernière société ocrière en exploitation en France et en Europe, elle exploite le gisement de Gargas (Les Devens Longs).
On extrait l’ocre en souterrain ou à ciel ouvert. L’accès aux carrières se fait par des puits, des descenderies ou des cavages. L’exploitation en souterrain diminue progressivement dans les années 1950 pour se tourner vers le ciel ouvert. La dernière exploitation en souterrain se trouvait à Rustrel en 2003.
Une fois le minerai extrait, l’ocre est séparé du sable par des opérations de lavage et de décantation. En bout de parcours, l’eau chargée de pigment se déverse dans les bassins de décantation. Lorsque ceux-ci sont remplis d’une épaisseur de 30 à 40 cm de pigment, le contenu du bassin est découpé en briques, qui une fois sèches, sont envoyées à l’usine pour y être broyées et tamisées.
Les Carrières des B.
Situées entre le célèbre Colorado Provençal de Rustrel, et les falaises de Roussilon, les carrières des B. sont bien moins connues, mais tout aussi spectaculaires. Nous partons à la découverte des magnifiques couleurs qu’offrent les anciennes carrières, comme un Colorado en miniature, et surtout nous pénétrons dans les entrailles de la colline par ces galeries, aujourd’hui abandonnées. Il reste des vestiges de cette industrie, visibles en parcourant la colline mais nous n’irons pas plus loin, nous devons garder un peu de temps pour explorer le prochain site.
Le chemin pour accéder aux carrières n’est clairement pas très emprunté. Les buissons se resserrent contre nous et je prends un petit baton pour nous préserver des arachnides qui bien sûr, tissent leur toile entre les végétaux de chaque côté des arbustes. Pourtant le départ du sentier est bitumé, il fut un temps où les engins devaient emprunter ce chemin des dizaines de fois par jour.
Après une vingtaine de minutes, nous trouvons plusieurs entrées dans la falaise. L’atmosphère intérieure est fraiche et religieuse. Les voutes s’élèvent à une dizaine de mètres, la cathédrale semble massive pourtant nous traversons un château de sable.
Nous n’allons toutefois pas bien loin, notre matériel est plutôt rudimentaire et il n’est pas agréable de s’éloigner de la lumière solaire qui amplifie la couleur des galeries. Je me rends compte que nos pauvres lampes frontales sont bien faibles pour illuminer l’espace à une vingtaine de mètre de nous.
A l’extérieur, nous découvrons un paysage miniature mais l’absence de repère et le lit du cours d’eau asséché que nous suivons nous ramène sur le chemin du retour. Nous trouvons également quelques vestiges industriels.
Nous trouvons une entrée à ras du sol, presque ensevelie par le sable du chemin. A l’intérieur je découvre une descenderie aux couleurs vertes qui contrastent étonnement avec l’ocre des galeries précédentes. Peut-être s’agit-il de produits utilisés comme fongicides ou simplement de la peinture… La galerie descend rapidement mais je n’ai pas les moyens matériels pour explorer les profondeurs. Dommage…
Les carrières du Cinéma
Nous continuons notre tour des ocres avec la visite des carrières du « Cinéma ». En effet, un ancien décor de cinéma est toujours visible. Le sentier qui part de la route est d’abord à peine visible, puis il se transforme en tranchée, remplie d’aiguilles de pin sèches. Lorsque nous arrivons sur le site, nous rencontrons un jeune homme torse nu qui semble répéter des gestes avec une caméra… Nous lui disons simplement bonjour et nous montons un peu pour explorer les entrées que nous apercevons plus loin.
La lumière est forte et la saturation rouge est maximale. La première petite galerie traverse la montagne. La seconde, de forme triangulaire ressemble à l’entrée d’un temple. Elle est bien plus haute que l’autre, pourtant elles devaient probablement se rejoindre autrefois. Les autres galeries intérieures sont bouchées.
En sortant des cavités, nous croisons de nouveaux notre vidéaste, cette fois accompagné de deux gars qui jouent une scène devant lui avec une table dressée et une bouteille. Il nous explique qu’ils tournent une petite scène pour un clip et nous invite à prendre un chemin qui mène aux décors de cinéma.
En arrivant dans une seconde clairière, nous découvrons effectivement les vestiges d’un camp romain, d’où le nom donné aux carrières. C’est ce qu’il reste du tournage de « La Belle Histoire » de Claude Lelouch.
La couleur des parois est vraiment magnifique, on passe du rouge à l’ocre jusqu’au mauve en passant par du rose vif. Malheureusement, les entrées sont condamnées par des murs en parpaings, quoique facilement surmontables avec une petite échelle… que nous n’avons pas de toute façon. Nous profitons de ce merveilleux décor naturel, la clairière est à l’ombre, c’est parfait. En repartant, nous croisons nos artistes en sueur qui repartent en costume et leur table sous le bras dans la pinède… c’est un peu irréel !
Le Colorado Provençal
Le lendemain, nous achevons notre parcours au pays des ocres avec une balade au fameux Colorado Provençal à Rustrel. Le parcours n’est pas long mais pénible par la chaleur et le monde. Et une bonne moitié n’est pas franchement indispensable. Néanmoins, ces paysages singuliers, naturels mais façonnés par l’homme pendant des années méritent leur réputation.
La formation de l’ocre
Les variations de température et l’acidification croissante des eaux de pluie ont dégradé certains minéraux des roches granitiques anciennes du massif central pour produire des argiles et des sables siliceux.
Les gros résidus de roches granitiques ont été charriés par les cours d’eau jusqu’à la côte mais sont restées aux embouchures des anciens fleuves alors que les particules les plus fines (sables fins, limons et argiles) ont atteint la pleine mer. Le courant marin, orienté Sud Est, a alors entraîné ces particules et a formé un immense banc de sable en se développant parallèlement à la côte (à la hauteur de Montélimar à cette époque).
On retrouve actuellement ce gisement sur plus de cent kilomètres de longueur, quelques dizaines de kilomètres de large et une soixantaine de mètres d’épaisseur. Il s’étire aujourd’hui du sud de l’Ardèche jusqu’au Var.
Ce banc de sable s’est transformé petit à petit pour former 3 gisements distincts qui sont exploités dans le Vaucluse : le sable verrier vers Entraigues-sur-la-Sorgue, l’ocre dans le pays d’Apt, et la bauxite vers le Var.
Cet article a 5 commentaires
Bonjour et bravo pour les photos mais aussi les textes très bien écrits et documentés qui les accompagent. Et je parle de l’ensemble de vos lieux visités ou explorés, que ce soit Roussillon et Rustrel (que je connais bien depuis longtemps) ou les lieux abandonnés (urbex) que j’explore avec passion.
J’aimerais bien qu’on fasse connaissance et en savoir un peu plus sur vous (toi?).
On pourrait se parler par mail pour commencer, puis pourquoi pas par téléphone puis une rencontre ?
Au plaisir de lire une réponse (mail si possible).
Bien sincèrement,
Christian
Bonjour Christian. Désolé pour la réponse très tardive! Je n’avais pas fait le ménage dans les commentaires du site depuis bien longtemps… Merci pour les compliments, ça fait vraiment plaisir! Si vous voulez me contacter en message privé, pas de problème, utilisez la petite icône « lettre » située en bas du site. A bientôt.
Bonjour, pourriez vous SVP me donner des indications supplémentaires pour accéder aux carrieres des B et aux carrières « dites du Cinéma » ?
Sont-elles dans le même secteur ?
Je connais celles de Roussillon, et celles de Mormoiron. Je n’ai pas encore fait le Colorado Provençal de Rustrel, ni Gargas, ni Bruoux.
Merci pour votre réponse.
Ça donne envie de faire le parcours.
Merci pour votre partage.
Merci Gino!